Jean-Luc Burger - L'art symbole de la diversité - Partie I - Meet Art Concept

                                                     

  

 

           L’art est ce qui cimente le mieux les idées et les peuples

                                 Frédéric Bruly Bouabré .Ecrivain, anthropologue, conteur

 

 

 

L’homme a créé l’art avant d’en parler Pour expliquer cette création essentielle et irréductible à toute autre, il s’est un jour posé la question : « Qu’est-ce que l’art ? »

 

L’art ne serait-il pas, le propre de l’être humain parce qu’il est l’acte de liberté par excellence. Il exprime notamment la diversité culturelle qui est une richesse considérable, une ressource inhérente au genre humain. L'art est notre propre reflet et vise à montrer, dans la nature même et dans l’esprit, hors de nous et en nous, des choses qui ne frappent pas explicitement nos sens et notre conscience.

 

Pour le peintre Paul Klee, L’art ne reproduit pas le visible, il le rend visible. Surgirait-il, à mi-chemin de l’homme et de l’univers ? L’invisible accompagne intimement le visible, de façon inévitable. Si on a d’un côté le visible, on a de l’autre côté l’invisible. L’invisible est la face cachée du visible. L’invisible dans le visible a aussi un autre nom : le vide. L’artiste n’invente pas la réalité qu’il donne à voir mais sans lui elle demeurerait invisible. Dans le pli de la matière, le peintre a une main dans l’invisible et un œil dans le visible. Lorsqu’il est à l’œuvre, le peintre est, de tout son corps, un rythme, une alternance active allant du geste confronté aux pesanteurs de la matière au regard qui s’ouvre à l’autre.

 

Par le biais d'œuvres d'art, l’homme pourrait découvrir la vérité universelle sur l'objet en question, une vérité sincère, différente de notre vérité corrompue par notre contexte social, et qui ne peut être révélée que par le moyen artistique.

 

Impressionnée par les progrès scientifiques et économiques des deux derniers siècles, notre époque a parfois tendance à considérer l’art comme un simple divertissement, un passe-temps ou peut-il être un moyen pour l’homme de s’améliorer ou d’évoluer ? Si l’art doit pouvoir permettre à l’homme de progresser, l’homme doit savoir au moins ce qu’est une œuvre d’art, pourquoi il la contemple et pourquoi elle ne lui révèle pas nécessairement tout de suite son essence. L’art apporte sans aucun doute à l’homme son humanité.

 

L’art possède sa propre grille de lecture ; peu de choses sont dues au hasard. Il est une démarche fondée qui s’inscrit dans l’histoire universelle, avec ses codes, ses courants de pensées. Il est vivant et c’est bien pour cela qu’il nous anime. La démarche artistique repose sur une réflexion. Jadis elle concernait un cercle d’initiés. L ’émergence des médias, la connaissance des œuvres et des artistes, s’est propagée pour faire partie de notre paysage quotidien. La création artistique est un éternel recommencement. L’artiste crée une œuvre sur la base des expériences vécues. Le moyen d’expression qui est propre à l’artiste est une forme matérielle de sa vibration spirituelle. Elle peut entraîner une vibration identique chez l’amateur d’art. Il n’en reste pas moins que la vibration de départ est toujours vivante. Elle contribue à obtenir la plus grande qualité d’âme possible. Les artistes, pour la plupart, ne peignent ni pour faire plaisir, ni pour le plaisir mais pour « descendre » une idée qui les ont traversés et habités, soumettant leur pensée et leur âme à des tourments lancinants mais incisifs et vivifiants.

 

L’art est l’expression privilégiée de la puissance créatrice de l’homme et place son œuvre au sommet de la hiérarchie des productions humaines, leur conférant un statut plus élevé que jamais. L’imaginaire peut être placé au centre de la démarche artistique. Le « Musée Imaginaire » d’André Malraux étale sur les cimaises de notre mémoire les œuvres par lesquelles toutes les civilisations et générations ont déjà répondu. Il permet d'initier un dialogue entre les œuvres d'art des différentes cultures. L’homme a l’intelligence de les déchiffrer, d’ en apprécier le langage et d’aborder la part du mystère que possède une œuvre d'art. En 1976, l’artiste chinois, Zao Wou-Ki, maître de l’abstraction lyrique, ne tendait-il pas vers une écriture imaginaire. Il disait notamment : « ma peinture devient illisible. Natures mortes et fleurs n’existent plus ».

 

Toutes les cultures font partie du patrimoine commun de l’humanité. L’identité culturelle d’un peuple devrait s’enrichir au contact des traditions et des valeurs des autres peuples. La culture est un dialogue, échanges d’idées et d’expériences, appréciations d’autres valeurs et traditions ; dans l’isolement, elle s’épuise et meurt.

 

Une des caractéristiques de l’art est aussi le questionnement qu’il provoque ; il peut aller au-delà d’une démarche artistique et interroge l’observateur avisé ou non. Il est dans la nature de l’homme de chercher à atteindre l’infini, l’inaccessible. De même, l’éternité aura toujours pour lui un attrait irrésistible.

 

 

L’art est un instrument de dialogue interculturel

Le dialogue entre les cultures, instrument privilégié pour édifier la civilisation de l'amour, repose sur la conscience qu'il existe des valeurs communes à toutes les cultures.

 

Les activités artistiques favorisent la découverte d’expressions culturelles diverses et contribuent ainsi à la tolérance, à la compréhension mutuelle et au respect. La créativité artistique peut largement favoriser l’altérité. Les arts sont aussi un terrain de contradiction et de confrontation symbolique, permettant l’expression individuelle, un lieu de réflexion critique et de médiation. Ils traversent naturellement les frontières, établissent des connexions et parlent directement aux émotions des personnes.

 

L’art est probablement un des meilleurs outils de dialogue interculturel. La lecture de la symbolique des œuvres, permet d’aborder de façon intuitive des thèmes comme l'identité, la diversité, la différence. L'œuvre est souvent pensée par l'artiste qui ne souhaite pas qu’elle soit exclusivement réservée à une élite mais qu’elle soit diffusée auprès d'un plus grand nombre.

 

 L’art est l’affaire de tous. Les actions culturelles et artistiques représentent des temps privilégiés de rencontre entre l’enfant, l’artiste et l’œuvre d’art. Le contact sensible qui s’établit dans ce contexte de convivialité et d’ouverture enrichit aussi bien les adultes que les plus jeunes.

 

Comme un nouveau-né, le tableau est là, souvent, en puissance, surface plane, régulière, « vide tableau que sa blancheur défend », pourrait-on dire en paraphrasant Mallarmé. Dans la ligne du peintre, ses outils et la matière1 apprêtent de leur côté, en puissance aussi, la ligne ou la couleur qui va naître de la rencontre avec la toile.  

 

Que le peintre épuise son habilité à reproduire ce qu’il regarde ou imagine à assembler des éléments détachés de toute ressemblance, chaque détail, observé ou conçu, est un choix entre un nombre infini de possibilités. Et ce choix est déterminé par une affinité secrète et profonde entre ce qu’il est et ce qu’il l’attire.

 

Barry2 affirmait : « dans l’histoire du monde, aucune civilisation n’a été autant affamée de culture que la société occidentale durant le dernier siècle ». Le processus de création permet de s’ouvrir aux autres et de faciliter les rencontres. Au début du XXe siècle, l’art occidental traverse une phase expérimentale qui renverse les frontières de toutes les formes artistiques connues jusque-là. En France, l’histoire de l’art confronte souvent Ingres et Delacroix, deux figures prépondérantes de la période romantique. En réalité, Delacroix s'ouvre à la lumière ; Ingres à l'amour des lignes et des formes. Ils vont influencer les artistes des générations suivantes. 

 

L'histoire européenne de l'art, a bénéficié de l'apport des arts asiatiques, et notamment japonais, sur les développements des différentes branches des esthétiques modernes et contemporaines. Cependant, l'intérêt envers la culture japonaise, née avec le Japonisme, a ouvert de nouveaux horizons aux artistes et plasticiens occidentaux engagés dans une pratique tendant vers l'abstraction.

 

En Asie, en Chine en particulier, l’art de la calligraphie est considéré depuis près de deux mille ans comme un acte esthétique absolu, d’un accomplissement artistique supérieur à celui de la peinture qui en émane. L’écriture est à la fois un répertoire de formes et une source de sens. Par ailleurs, le mur, avec les innombrables potentialités qu’il offre à l’imagination, apparaît et réapparaît incessamment dans l’œuvre. La contemplation du mur est au fondement de la veine méditative (dhyâna) du bouddhisme du Grand Véhicule (mahâyâna). La tradition veut que le patriarche Bodhidharma (fondateur du bouddhisme chan version chinoise du mahâyâna) se soit retiré pendant neuf ans dans un « désert » inhospitalier, absorbé dans la contemplation opiniâtre d’un mur. « Contempler le mur » est alors devenu quasiment synonyme de « méditer »3.

 

L’art pourrait-il favoriser le dialogue interculturel ? De nombreuses tentatives le démontrent. Vers 1890-1895 surgit brusquement des Etats-Unis à l’Autriche, en passant par l’Angleterre, la France et la Scandinavie, un mouvement artistique international d’une homogénéité relative, mais remarquable. Baptisé selon les pays, « Art nouveau, Modern Style » …cet art, si largement répandu, disparaît presque aussi vite qu’il est apparu : après 1905, on n’en trouve plus que des expressions isolées.

 

Longtemps, les artistes se sont attachés à représenter la lumière dans ses effets, comme l'une des conditions et des manifestations de la visibilité du monde. En réaction à la richesse des couleurs des Impressionnistes, palette riche de nuances capables de rendre fidèlement les atmosphères, les fauves, emmenés par leurs principaux représentants. André Derain s’exprime sur l’art : Pour nous, les couleurs sont devenues des bâtons de dynamite. Elles doivent provoquer des explosions lumière. André Derain, Henri Matisse et Maurice Vlaminck confèrent à la peinture une nouvelle dimension.

 

Un critique d’art des années 1890 écrivait à propos de Montmartre : « Le quartier ressemble à un vaste atelier.» Des artistes importants comme Edgar Degas, Pablo Picasso, Henri de Toulouse-Lautrec, Vincent van Gogh vivent ou travaillent. Ils produisent des tableaux mémorables, d’un réalisme jusqu’alors inconnu,. Avec ces œuvres uniques, ils ont profondément marqué l'histoire de l'art de la fin du XIXe et du début du XXe siècle.

 

 Au Mexique, sur les murs et les monuments de Mexico s’étalent de gigantesques fresques colorées. Le muralisme mexicain, nait quelques années après la révolution de 1910. Il prétend donner une vision de l'Histoire à toutes les composantes du peuple, par le biais d'un art naïf accessible à tous. Le peuple semble mieux lire les images que les mots. La peinture murale a eu pour objectif de représenter des raisons sociales et politiques pour chercher à réunifier le peuple. Les fresques murales sont l'un des éléments les plus marquants du patrimoine mexicain et font parties de la vie de tous les jours. En 2014, dans l’esprit des anciens, de nouveaux artistes font revivre le muralisme.

 

L’art africain est découvert par des artistes avant-gardistes en quête de nouveau mode d’expression se retrouvant au centre d’une révolution artistique occidentale. Picasso, Derain, Matisse et bien d’autres trouvent dans l’art tribal africain une liberté qui leur manque. Ces « œuvres étranges » ont une expression plus forte que les formes académiques. La fascination est si grande que les artistes commencent à collectionner des œuvres d’art africain pour les étudier et les prendre comme modèle.

 

 

L                                                                                                                 Jean-Luc BURGER

 

1 Laurent Le Bon. Dada. Catalogue expo Paris. Editions du Centre Pompidou ; p 102 - En 1913, Guillaume Appolinaire affirmait : « On peut peindre avec ce qu’on voudra, avec des pipes, des timbres-poste, des cartes postales ou à jouer, des candélabres, des morceaux de toile cirée, du papier peint, des journaux »

2 Barry B. 2002. « culture and equality. An egalitarian critique of multiculturalism »

3 Michel Waldberg. Sujata Bajaj. Editions De La Différence. 2009 ; p 23

4 Kandinsky. Ecrits complets. Edition établie et présentée par Philippe Sers. Ed. Denoel ; 1975, p 17

5 Préface à la seconde édition du Blaue Reiter, 1914

6 L’almanach du Blaue Reiter. Vassily Kandinsky, Franz Marc. 1912. Traduit par : Erika Dickenherr, C. Heim, N. Kociak, Jean-Charles Payen, Alain Pernet, Philippe Sers, P. VolboudtF


S'inscrire à la Newsletter